A l’occasion du 70ème anniversaire de l’engagement des Ukrainiens de France dans la Légion Etrangère, une cérémonie en hommage aux légionnaires Ukrainiens de Peynier aura lieu le mardi 2 novembre 2010 à 9H30 au rocher de la Garenne sur le sentier des volontaires Ukrainiens.
Ils étaient cinq ou six mille « volontaires » Ukrainiens qui, pour ne pas combattre sous le drapeau Polonais, choisirent la Légion Etrangère. Pour résumer la situation administrative et militaire d’une majorité d’émigrés Ukrainiens en France, dans l’entre-deux-guerres, voici le témoignage d’un ancien légionnaire :
Ivan Kourok, auteur de « Journal d’un légionnaire » :
– Vous êtes Polonais ? Attendez un instant, un sergent Polonais va venir s’occuper de vous.
– Je suis Ukrainien ! Je saurai aller chez les Polonais sans votre aide, mais je ne veux pas aller dans leur armée !
Le secrétaire s’emporta et me mit à la porte, ce dont j’étais ravi pour m’éclipser avant la venue du sergent polonais. Je n’avais pas le choix, il me fallait aller à Sathonay, au centre principal de la Légion. Avec peine, je demandais ma route et partis. J’avais à peine franchi le portail de la caserne à Sathonay que j’entends des chants, j’écoute plus attentivement et je n’en crois pas mes oreilles, c’est une chanson ukrainienne. Nos gars de toutes les « Prosvita » [ass. culturelle ukr.] de France étaient arrivés là pour s’engager à la Légion.
D’autres Ukrainiens d’Ukraine occidentale (alors occupée par la Pologne) iront combattre, sous uniforme polonais, dans les unités constituées sur le territoire français et les pays alliés. A Monte Cassino en Italie (une des plus rudes batailles de la seconde guerre mondiale) ils sont tombés en masse; on arrive à les identifier comme Ukrainiens lorsqu’une croix orthodoxe orne la tombe… Durant la campagne de France, les volontaires Ukrainiens se sont également illustrés aux quatre coins du front. Certains ont, leur vie durant, et avec fierté, arboré une croix de guerre accrochée sous le feu ennemi (comme les frères Czorny, du 23° Régiment de Marche de Volontaires Etrangers).
Chaque légionnaire trouvait en lui ses propres motivations (qui la naturalisation, qui un refuge, qui l’aventure, le prestige ou la solde) mais dans le cas des Ukrainiens, il est caractéristique de voir à quel point le refus de recevoir des ordres en polonais commandait, pour ainsi dire au-delà de toute autre préoccupation, leur farouche désir de servir la France. La Pologne avait trahi ses engagements internationaux vis-à-vis de la minorité ukrainienne, et l’opprimait dans tous les domaines, alors comment lui obéir ?
Sur un des rochers de la douce Provence, on peut lire encore de nos jours ce que désiraient vraiment nos légionnaires Ukrainiens. Il s’agit d’un vers d’Ivan Franko, tiré d’un superbe chant révolutionnaire comme il en avait le secret : « Nam pora dla Oukraïné jét », il est temps pour nous de vivre pour l’Ukraine. On peut encore voir ces paroles sur la roche, comme gravées à la baïonnette.
Il faut imaginer ce qu’a pu être ce « rassemblement » de légionnaires Ukrainiens à Peynier, dans la France vaincue. Coupés de leur pays – un pays qui n’existait pas, mais qu’ils s’efforçaient d’expliquer, par des chants, des danses, des poèmes -, la population provençale les reçut avec estime et reconnaissance. Sans doute comprenait-elle un peu mieux ces gens d’ailleurs, attachés comme elle, à ses troubadours et sa culture.
Avec l’armistice, on démobilisa les volontaires, et après la guerre, ceux qui firent le choix de revenir chez eux en Ukraine occidentale (devenue soviétique) furent reçus en suspects, avec tout ce que cela implique; dans le cas des FFI Ukrainiens, c’était une balle dans la nuque.
A Peynier le rocher de la Garenne conserve donc les traces des légionnaires Ukrainiens de 1939-1940. Sur une initiative de l’Union des Français d’origine Ukrainienne, et grâce aux efforts de la municipalité, de Roger Decome et de la Légion Etrangère, le chemin menant au rocher a été baptisé « Sentier des volontaires Ukrainiens » le 30 juin 2007 et, désormais, chaque 2 novembre, la Légion rend hommage à ses anciens, morts au combat. C’est une émouvante cérémonie réunissant autorités civiles et militaires, descendants de légionnaires Ukrainiens, et quiconque voulant partager le souvenir.