L’orchestre philharmonique du Pays d’Aix se produira au Centre Socioculturel de Peynier le vendredi 13 janvier 2012 à 20H30 sous la direction de Jacques Chalmeau, l’histoire de Roméo et Juliette, magistralement mise en musique par Serge Prokofiev.
Roméo et Juliette est un ballet de Sergueï Prokofiev composé au printemps et à l’été 1935, peu après le retour du compositeur en Union Soviétique, et basé sur la pièce éponyme de William Shakespeare.
La création du ballet fut difficile. L’œuvre est une commande de 1934 du Kirov de Leningrad, mais lorsque Prokofiev proposa le thème de Roméo et Juliette, le théâtre refusa. Prokofiev signa alors un contrat avec le Bolchoï pour la représentation du ballet, mais là encore les choses se passèrent mal.
Une fois la partition achevée, à l’été 1935, les danseurs déclarèrent le ballet indansable, notamment à cause de la complexité rythmique et de passages jugés inaudibles. Prokofiev retravailla alors sa partition en 1936 pour en tirer deux suites pour orchestre symphonique en sept mouvements, ainsi qu’une transcription pour piano. C’est une de ses oeuvres les plus appréciées en raison de la haute inspiration mélodique, de la grande variété rythmique et du caractère mémorable des thèmes principaux (la célèbre et sinistre « Danse des chevaliers » et ses diverses variations ; le délicat et foisonnant thème de Juliette) qui sera, une fois encore, magistralement par les 60 musiciens de l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix, sous la direction de Jacques Chalmeau.
Présentation du programme
Curieusement Prokofiev aime les classiques et la tradition. Nous avons déjà souligné et illustré dans notre programmation, son attachement à Haydn et à la forme classique de la symphonie. Cet esprit novateur, avant-gardiste, parfois provoquant, aime la littérature et respecte profondément les maîtres du passé. Il est comme chacun d’entre nous probablement, émerveillé par l’histoire, pour ne pas dire par le « mythe » de Roméo et Juliette. Il connait évidemment Shakespeare. Il a, comme tout bon musicien russe épris de culture française, forcément entendu, voire joué, ne serait-ce qu’au piano, le Roméo et Juliette de Berlioz, modèle du genre et probablement aussi, celui de Gounod et de Bellini.
Il n’est donc pas étonnant qu’il se soit attelé lui aussi à l’énorme travail d’écrire un ballet qui raconte entièrement, en musique, cet amour total et tragique. Mais comme beaucoup d’autres chefs-d’œuvre, « son » Roméo met du temps à percer. En effet sa première version de 1935 pose de sérieux problèmes aux musiciens et aux danseurs de l’époque : trop difficile, trop complexe et surtout trop nouveau. Le Kirov, commanditaire de l’œuvre, puis le Bolchoï, refusent de créer l’œuvre en l’état. Ce n’est que trois ans plus tard à Brno, puis au Kirov en 1940, que le public peut enfin découvrir cette composition majeure du maître russe, lui réservant un accueil triomphal, séduit par son originalité, son lyrisme et sa force. Devant les difficultés rencontrées lors de la création, Prokofiev a écrit plusieurs suites symphoniques tirées du ballet pour être jouées au moins en concert. Il reprend bien sûr dans celles-ci l’original (parfois dans le désordre…), mais en condensant le discours pour le rendre plus accessible.
Il m’a semblé intéressant de revenir au ballet, en en jouant la trame essentielle, car l’œuvre qui suit avec une fidélité parfaite celle de Shakespeare, illustre parfaitement tout ce qu’on retrouve dans la pièce. Prokofiev avec une imagination sans faille, met vraiment en musique le texte originel, pour notre plus grand bonheur. Il suffit de se laisser porter pour voir précisément la Vérone de cette époque, ses bagarres, ses fêtes, ses défilés tonitruants et suivre effrayé, le déroulement cruel de cette histoire d’amour entre deux êtres pris dans des conflits ancillaires qui les dépassent, jusqu’à entraîner leur perte. Prokofiev signe là un chef-d’œuvre absolu, dont la richesse orchestrale, encore de nos jours, laisse rêveur.
Jacques Chalmeau
Directeur musical et artistique de l’OPPA