Article publié sur le site Internet du journal La Provence le 06/03/2013 – Les 107 maires mobilisés contre le projet cherchent toujours et encore à convaincre de l’ineptie de la réforme.
Ils ont toujours leur contre-projet d’établissement public (Epoc) sous le bras. Mais aucun signe favorable du gouvernement. Des représentants du « front anti-métropole mais pas contre un projet métropolitain » faisaient le point, hier, sur leurs actions communes menées sous la houlette de l’Union des maires. Qui de toutes tendances confondues se disent « plus unis que jamais ».
En mairie des Pennes-Mirabeau, commune symbolique au carrefour des territoires concernés par cette grande réforme, ils ont rappelé toute leur opposition à « cette gigantesque machine » pour présider aux destinées de 90 communes sur 5 000 km². Tenté un exercice de pédagogie sur un dossier complexe et levé un coin de voile sur leur stratégie.
Un audit indépendant
« Comment peut-on laisser penser que l’on va piétiner la volonté de 107 maires et 8 présidents d’intercommunalité ?, s’interrogeait Daniel Fontaine, maire PC d’Aubagne. Nous allons donc dire à Marylise Lebranchu (qui pourrait les recevoir le 12 mars prochain), qu’elle n’est plus notre interlocutrice, que ce seront désormais le Premier ministre et le Président de la République ».
Lassés de passer pour un ramassis de grincheux accrochés à leur pouvoir et leurs indemnités – « C’est à la limite de l’insulte », grognait Jean-Louis Canal, maire PS de Rousset – les maires veulent apporter la preuve par l’exemple de « l’usine à gaz » que représente la Métropole. Yves Vidal, maire PRG de Grans, confirme : « La ministre nous a dit qu’elle n’avait pas un kopek pour se payer des spécialistes. Et bien nous, nous allons prendre un bureau d’études pour chiffrer précisément le coût du transfert de compétences imposé par la loi ».
Et refuser aussi de participer et d’envoyer des fonctionnaires aux travaux d’évaluation… « Ils veulent nous imposer quelque chose, qu’ils se débrouillent », résumait Georges Cristiani, maire (SE) de Mimet.
Maggi prêt à voter contre
Jean-Pierre Maggi n’a pas digéré la déclaration de Marylise Lebranchu devant les parlementaires de la majorité à l’Assemblée : « Elle nous a dit : ‘Pour Paris, on a trouvé une solution. Pour Lyon, c’est en cours mais pour Marseille, on passe en force’. Alors je me suis levé et je suis parti ». Le député PS se disait donc prêt hier, faute d’un amendement du texte, « à voter contre la loi », quitte à être en rupture avec son groupe politique. La sénatrice (UMP-UDI) Sophie Joissains n’en pensait pas moins.
Les chiffres qui fâchent
« Le président du Sénat qui nous a reçus a été étonné de voir qu’on avait des éléments pour proposer un projet qui tienne la route », rappelait Georges Cristiani. Qui saute au plafond, comme tous ses homologues, à la vue du transfert de 38 compétences vers la Métropole quand leur projet d’Epoc se focalise sur les transports et le développement économique. « Nous représentons un million d’habitants qui ne veulent pas de ce projet, tempête Robert Dagorne, maire (NC) d’Eguilles. Et le Plan local d’urbanisme, ce n’est pas négociable ».
Le spectre d’une métropole marseillaise qui décide de l’aménagement du territoire reste un des principaux casus belli, audible par les populations. Et les maires ne sont pas en reste avec les chiffres de la fiscalité. Georges Cristiani détaille : « A Marseille, la taxe d’habitation est à 27,3 %, à Eguilles ou Meyreuil, elle est à un chiffre. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères ? 16 % pour MPM, 9 % à la CPA, 7 % pour le San ».
Les variations pour la Contribution foncière territoriale (ex-taxe professionnelle) sont sur le même thème : « Comment imaginez-vous une seconde qu’il puisse y avoir un lissage par le bas ? Alors que la Ville de Marseille et MPM cumulent 3,2 milliards de dette ? Invariablement cela se traduira par une hausse des charges pour les entreprises et les familles ».
Cristiani l’a bien vu lors de l’entrée de sa commune dans la CPA : « Pour les ordures ménagères, on a mutualisé mais on a aussi créé des postes de fonctionnaires ». En revanche, les maires qui possèdent du foncier sont prêts à accueillir de l’activité sur leur territoire : « Le chômage à 17 % à Marseille contre 5 % à Meyreuil, ce n’est pas un problème… On veut bien travailler là-dessus ».
Le spectre de la paralysie
« On a fait une réforme institutionnelle avant de prendre en compte les considérations économiques qui s’imposent », souffle Michel Amiel, maire (PS) des Pennes-Mirabeau. C’est pourquoi du côté des Alpilles, par la voix de Yves Faverjon (PS), on se réjouit de ne pas avoir été inclu dans la Métropole. Tout en jugeant inacceptable « de devoir regarder passer les trains » et en se déclarant favorable à l’Epoc. Tous s’accordent pour dire que la réforme n’est qu’un « leurre » qui n’évitera pas le naufrage marseillais.
Et pourrait paralyser l’ensemble des territoires : « Comment expliquer, par exemple, alors que l’argent manque, l’harmonisation par le haut des statuts de 12 000 fonctionnaires ? Avec la structure monosyndicaliste de Marseille, on risque la paralysie entière des territoires… », soulignait Sophie Joissains. Et de sourire à l’appel de la CGT à manifester contre l’Eurométropole le 28 mars. Une convergence des luttes politiquement improbable sur le papier. Mais bien réelle.
Alexandra Ducamp